Cour des comptes (extraits)
Chambre du Conseil
Rapport public particulier

04/01/1997

La gestion des services publics locaux d'eau et d'assainissement - Rapport au Président de la
République suivi des réponses des administrations, collectivités, organismes et entreprises. -
Journal officiel, 1997. - p. 83-139

- LE CONTROLE INSUFFISANT DE LA GESTION DELEGUEE
L'obligation de mise aux normes des services d'eau et d'assainissement, dans un contexte financier
difficile pour certaines collectivités locales, a été un facteur propice au renforcement des délégations
de services publics, enregistré depuis une quarantaine d'années. La part du secteur privé dans la
distribution d'eau potable en France est ainsi passée de 31 % en 1954 à 60 % en 1980 et 75 % en
1991, contre seulement 40 % dans le domaine de l'assainissement. Le retard général pris dans
l'équipement de ce secteur peut expliquer la faiblesse relative de ce taux.

La délégation, moyen de financer les investissements
Le changement de mode de gestion est souvent la conséquence d'une situation qui implique à terme
l'engagement de dépenses supplémentaires importantes : investissements hors de portée de la
collectivité, réticence des élus à prendre en charge la responsabilité directe de fortes hausses de prix
ou coût d'une mauvaise gestion antérieure.
Une motivation importante de la décision de déléguer la gestion du service public réside alors dans
l'importance et dans les modalités de sa contrepartie financière.
L'augmentation générale de la pression fiscale et des charges d'investissement des communes, les
limitations imposées par la loi du 5 janvier 1988 dans l'endettement et l'octroi de garanties d'emprunt,
l'obligation d'affichage de l'endettement global, étendue aux comptes annexes, prévue par la loi du 6
février 1992 et le décret du 27 mars 1993, inclinent les collectivités à rechercher de nouvelles formes
de financement ; elles sont désormais fortement incitées à limiter l'endettement nouveau, ou plutôt sa
trace visible, ce qui induit des transferts de charges, notamment à travers la délégation des services
en cause.
Pour l'autorité délégante, le contrat de délégation de service présente en effet l'intérêt de desserrer
dans le court terme les contraintes budgétaires immédiates ; mais les conditions tarifaires qui en sont
la contrepartie pèsent à long terme sur les usagers.

Ainsi, la ville de SAINT-ETIENNE avait trouvé, en 1992, par la délégation de ses services d'eau
et d'assainissement à la Société stéphanoise des eaux (filiale constituée à parité par les groupes
Lyonnaise des eaux et CGE), le moyen de limiter son endettement grâce à l'encaissement d'un droit
d'entrée, tout en se procurant des ressources fiscales nouvelles : la société délégataire avait pris en
charge la dette des deux services, soit respectivement 295 et 209,6 millions de francs. Un droit
d'entrée de 400 millions de francs, ramené à 382 millions, devait permettre d'atténuer, en outre,
l'endettement du budget principal de la ville, bénéficiaire, par ailleurs, d'une redevance annuelle de 22
millions de francs, réduite ultérieurement à 9,6 millions. Enfin, la gestion des services par une
personne de droit privé permettait à la collectivité de percevoir une ressource nette de 800 000 F au
titre de la taxe professionnelle ainsi qu'une redevance pour occupation du domaine public, intégrée
au droit d'entrée.
Il est à noter que la suppression des droits d'entrée et redevances initialement prévues a été
compensée par la création de nouvelles redevances capitalisées. La ville n'a pu conserver l'avantage
financier immédiat qu'elle avait retiré en déléguant la gestion de ses services qu'au prix de l'abandon
de la perception effective des nouvelles redevances d'usage et d'occupation du domaine public.

LA VILLE DE SAINT-ETIENNE Dotée d'un réseau de distribution d'eau potable ancien mais en
bon état, la ville de Saint-Etienne ne dispose, en revanche, que d'un système d'assainissement
archaïque dont la mise aux normes nécessitera, dans un court délai, des investissements importants.
Il en résulte que la réalisation coûteuse d'une station d'épuration, en principe performante et de
grande capacité, n'aboutit pour le moment qu'à des taux de dépollution inadmissibles pour une
agglomération desservie de quelque 300 000 habitants, y compris les communes environnantes.
Alors que la gestion de la station d'épuration a été confiée dès l'origine, en 1971, à une société privée
dont le contrat n'a cessé d'être réaménagé à des conditions pour elle avantageuses, ce n'est qu'en
1992 que le service de l'eau et le réseau d'assainissement ont fait l'objet d'une délégation pour une
durée de 30 ans qualifiée de concession.
La gestion en régie des deux services, qui aurait dû comporter l'établissement de budgets annexes
strictement équilibrés en recettes et en dépenses, a toujours été marquée par une confusion
administrative et comptable qui a rendu au moment de la délégation - et rend aujourd'hui encore -
difficile l'évaluation de leur coût réel de fonctionnement et donc la détermination d'un tarif
d'équilibre. Cette confusion s'étend d'ailleurs aux fournitures d'eau aux communes environnantes qui,
faute de bases contractuelles suffisantes, ont conduit à l'accumulation d'impayés à hauteur de 18
millions de francs.
De plus, dans la période la plus récente, la contribution du budget annexe au budget principal n'a
cessé de croître sous la pression des besoins budgétaires de la ville. Les transferts sont passés de 10
millions de francs en 1990 à 32 en 1991 et plus de 60 en 1992, année de la délégation. Ces transferts
ont été jugés irréguliers par la juridiction administrative, comme chargeant indûment l'usager de l'eau
au bénéfice du contribuable, et ont donc été sanctionnés par l'annulation des tarifs alors en vigueur.
C'est dans ce contexte d'urgence budgétaire qu'il convient de situer la négociation ayant abouti à la
date du 1er octobre 1992 à la concession pour 30 ans des deux services de l'eau et de
l'assainissement (hors station d'épuration) à une filiale à parts égales de la Compagnie générale des
eaux et de la Lyonnaise des eaux. Une telle durée était en soi anormale dès lors que sa justification
principale se trouvait non pas dans le besoin d'investissement, puisque l'essentiel des travaux neufs
d'extension ou de modernisation (surtout pour l'assainissement) restaient en dehors de la
convention, mais dans l'amortissement d'un droit d'entrée extraordinaire qui devait être payé à
hauteur de 400 millions de francs en 3 ans.
Les contentieux en chaîne engendrés par cette opération ont entraîné une instabilité chronique des
tarifs applicables et donc du régime de la concession elle-même, puisqu'on en est aujourd'hui au 7e
avenant pour le service de l'eau et au 3e pour celui de l'assainissement.
La ville s'est, en dernier lieu, engagée à rembourser intégralement le droit d'entrée, en contrepartie du
versement à son profit, par le concessionnaire, d'une redevance d'occupation du domaine public et
d'une redevance dite d'entretien des ouvrages non concédés, qui seront payées, en définitive, par
l'usager, sous le couvert d'un nouveau tarif d'équilibre. Ce dernier tend en fait à consolider le
transfert initial des ressources au bénéfice du budget principal sans pour autant garantir au service la
moindre ressource nouvelle pour ses besoins futurs, en particulier ceux qui devraient impérativement
résulter d'un programme d'investissement estimé à 600 millions de francs pour la mise en conformité
du seul système d'assainissement au niveau de l'agglomération.
Au total, au regard de l'engagement durable de la collectivité de garantir à son concessionnaire les
ressources procurées par un tarif dont les bases initiales étaient plus du double de celles du tarif
applicable deux ans avant la délégation, la ville aura obtenu le bénéfice essentiellement temporaire
d'un important apport de fonds pour son budget. Les effets en étant aujourd'hui épuisés, la ville
demeure seule face à toutes ses charges et, parmi celles-ci, celles qui ne manqueront pas de résulter
de la refonte de son système d'assainissement, même si une partie de ces charges devait être prise en
compte par la communauté de communes constituée en 1995. Le concessionnaire, quant à lui, a
obtenu, sous le couvert du maintien de l'équilibre initial de la concession, des avantages certains en
terme de ressources, en contrepartie de charges qui, selon ses comptes les plus récents, feraient
apparaître un déficit d'exploitation mais dont il n'a pas eu à justifier, spécialement pour
l'assainissement, qu'il en serait de même sur toute la durée de la concession. Il demeure, en outre,
bien placé pour offrir ses services lors de la réalisation nécessaire des importants travaux qu'il ne
s'est, pour l'essentiel, pas engagé à financer lui-même.

Les aléas de la délégation des services de l'eau et de l'assainissement à Saint-Etienne, aussi bien
que les incertitudes pesant sur leur gestion actuelle et future, illustrent la nécessité pour l'autorité
délégante de se doter d'une capacité juridique, administrative et technique de négociation et de
contrôle dont, de toute évidence, la ville de Saint-Etienne n'a pas jusqu'ici disposé. Qu'il s'agisse des
frais de gestion et de structure allégués par le concessionnaire, de sa propre rémunération, ou des
charges liées aux provisions constituées par lui en fonction de leur destination courante ou finale tout
au long de la concession, rien en l'état actuel du dossier ne permet de considérer que la cession
précipitée du service en 1992 aura permis de préserver à long terme les intérêts de la collectivité,
c'est-à-dire, en définitive, ceux de ses contribuables comme ceux de ses usagers.

. - L'AMBIGUITE DES RELATIONS CONTRACTUELLES
Depuis l'abandon en 1982, du fait de la décentralisation, de la référence obligatoire aux cahiers des
charges-types de concession et d'affermage, les contrats de délégation, plus souvent imposés par les
entreprises gestionnaires de réseaux que proposés par les collectivités dans le cadre des procédures
de mise en concurrence, tendent à se banaliser, sous la forme hybride "d'affermage concessif". Il en
résulte un manque de clarté des relations contractuelles, notamment en ce qui concerne
l'investissement.
1° Des concessions évoluant vers l'affermage

Les concessions dans lesquelles le délégataire prend normalement à sa charge l'investissement
limitent en fait - dans certains cas - les responsabilités effectives du concessionnaire. Celui-ci peut ne
prendre en charge qu'un seul ouvrage, comme à JOUE-LES-TOURS (station de pompage et de
traitement de Saint-Sauveur) ou qu'une enveloppe financière correspondant aux investissements qu'il
estime devoir engager pendant la durée du contrat. Les travaux supplémentaires, qui viendraient à
excéder cette enveloppe, sont à la charge de la collectivité concédante, comme le prévoit par
exemple le traité de concession passé en 1995 entre la commune du MONT-DORE (Puy-de-Dôme,
2 000 habitants) et SCET-Environnement.
Les risques de dérapage des prix, que comportent à terme de telles clauses, sont importants, surtout
si les besoins n'ont pas été correctement évalués ou si l'enveloppe de travaux à la charge du
concessionnaire n'est ni actualisable, ni assortie d'une liste d'ouvrages à réaliser. En effet, le
concessionnaire sera en mesure de réclamer, s'il prend en charge de nouveaux programmes, non
seulement une révision du prix de l'eau mais également une prolongation de la durée du contrat, en
application de l'article 40 B de la loi du 29 janvier 1993. Si, au contraire, les nouveaux programmes
restent à la charge de la collectivité concédante, celle-ci devra les financer par une surtaxe, dont
l'existence n'est pas conforme aux principes de la concession.
De telles opérations effectuées par la collectivité supposeraient, en outre, la tenue d'une comptabilité
spécifique conforme à l'instruction M. 49, alors que ladite instruction exclut pourtant de son
application les services gérés en concession.
La ville de SAINT-ETIENNE a ainsi supprimé, purement et simplement, ses budgets annexes de
l'eau et de l'assainissement lors de la délégation de ces deux services, ce qui a permis au budget
principal de bénéficier en 1992 d'un transfert net de 105 millions de francs. Or, le maintien des
budgets annexes s'imposait, eu égard à la nature de la délégation, nonobstant sa qualification de
concession retenue par le contrat. En effet, la collectivité a conservé la charge d'ouvrages importants,
participant de façon essentielle au fonctionnement du service de l'eau (entretien des barrages et des
bâtiments). Elle s'est engagée à contribuer éventuellement au financement des investissements qui
excèdent le montant de travaux mis à la charge du concessionnaire. Dès lors, le contrat de délégation
peut être assimilé, de ce point de vue, à un affermage, qui suppose la tenue par la collectivité de
comptabilités annexes de type M. 49.

- LES EFFETS D'UNE CONCURRENCE IMPARFAITE
1° Des partenaires peu nombreux et stables
a) Un secteur très concentré

Le secteur privé de la distribution d'eau potable et de l'assainissement, qui était jusqu'à une date
récente fermé à la concurrence étrangère, même européenne, reste dominé par quelques grands
groupes français de taille internationale : la Générale des Eaux (CGE), la Lyonnaise des Eaux et à
un moindre niveau, la Société d'aménagement urbain et rural (SAUR, groupe Bouygues), la
Compagnie internationale de services et d'environnement (CISE, groupe Saint- Gobain).
La distribution de l'eau à PARIS est assurée, depuis 1984-1985, par des compagnies appartenant au
groupe de la Compagnie Générale des Eaux pour la rive droite et à celui de la Lyonnaise des Eaux
pour la rive gauche.
La concentration du secteur peut se trouver accentuée par les accords que passent ces groupes pour
exploiter les services les plus importants, parfois en créant au besoin des filiales communes à la
demande des collectivités elles-mêmes.
A SAINT-ETIENNE a été créée en 1992 la Société stéphanoise des eaux (SSE), constituée à
l'occasion de la délégation des services d'eau et d'assainissement, à parité par les groupes
Lyonnaise des eaux - Dumez et Compagnie générale des eaux. Après avoir présenté séparément
leurs candidatures et leurs offres, dans le cadre de la consultation organisée par la ville, les deux
groupes se sont associés après que le conseil municipal leur eut demandé de "s'entendre pour
présenter une proposition commune, à élaborer à partir de celle de La Lyonnaise des eaux", jugée
plus intéressante.

A SAINT-ETIENNE, le projet de délégation a été conçu et mené dans la plus grande
confidentialité, sans que les services concernés ne soient, à quelque niveau que ce soit, associés à
l'opération. L'absence de cahier des charges préalable, de propositions formalisées de façon précise
par les groupes consultés, ou de dossier de comparaison des offres a pu être constatée. Même si
l'autorité municipale de l'époque a voulu organiser une certaine concurrence lors de la passation des
contrats, elle ne s'est pas donné les moyens de retirer tous les avantages d'une telle démarche. On a
pu même relever qu'un inventaire fiable des équipements concernés n'était pas disponible au moment
de la passation des contrats.
3° La pratique des droits d'entrée
Jusqu'à ce qu'elle soit interdite par la loi du 2 février 1995, l'une des pratiques contribuant le plus à
fausser la concurrence lors de la négociation des contrats de délégation tenait au versement de droits
d'entrée, droits d'utilisation ou d'usage, qui constituait souvent le critère essentiel de choix des
collectivités, sans lien avec l'intérêt réel du service, comme l'ont montré, entre autres, les exemples
de GRENOBLE (voir encadré p. 101) et de SAINT-ETIENNE (voir encadré p. 85).

La pratique du droit d'entrée avait des conséquences défavorables pour les services d'eau et
d'assainissement, qui perdurent dans certains cas malgré l'interdiction pour l'avenir. Elle constituait,
en effet, un moyen d'accélérer les transferts de charges des contribuables vers les usagers : à
SAINT-ETIENNE, l'eau et l'assainissement finançaient le budget principal de la ville bien avant
leur délégation au secteur privé. Mais le changement de mode de gestion a eu pour effet, voire pour
objectif, de permettre le transfert immédiat à la ville de 400 millions de francs sous forme de droit
d'entrée, ultérieurement remplacé par un système de capitalisation de redevances d'occupation du
domaine public et d'utilisation des ouvrages concédés. Ce transfert obère pour longtemps la capacité
des services à financer leurs investissements. En effet, la charge que supporteront les usagers,
pendant trente ans, à ce titre, correspondant à des dépenses externes, ne pourra pas être consacrée à
la rénovation ou à l'amélioration des équipements du service public.

. Comme à SAINT-ETIENNE, les surcoûts liés aux travaux de mise aux normes CEE, non pris en
compte initialement par le concessionnaire, ne pourront pas être compensés par les gains de
productivité. Ils devraient se traduire par de nouvelles augmentations de la redevance
d'assainissement.

La pratique des redevances d'occupation du domaine public
Fortement encadrée par la loi du 29 janvier 1993, avant d'être purement et simplement interdite par
la loi du 8 février 1995, la pratique du droit d'entrée subsiste néanmoins sous la forme fallacieuse de
redevance d'occupation du domaine public capitalisée, telle que celle payée à la commune du
MONT-DORE (Puy-de-Dôme) en 1995 par SCET- Environnement.
Cette redevance se présente aujourd'hui comme un véritable "succédané" de droit d'entrée. Liée à
l'utilisation, par le délégataire, de la voirie communale sous laquelle sont enfouis les réseaux, cette
redevance trouve sa justification apparente dans les avantages qu'il tire lui-même de cette occupation
et les sujétions qui en résultent pour la ville. Toute l'ambiguïté résulte de la juste évaluation de cette
redevance, sous le contrôle du juge administratif.

Il est significatif qu'à SAINT-ETIENNE, les mêmes avenants aux contrats de délégation aient
prévu, simultanément en 1995, la suppression des droits d'entrée et redevances initialement prévus et
leur remplacement par diverses redevances dont une redevance d'occupation du domaine public,
calculée par référence au tarif de droit commun (17 F le mètre linéaire), égale à 12 334 000 F pour le
service de l'eau et 10 944 000 F pour le service de l'assainissement, et représentant plus du tiers de
la valeur annuelle d'amortissement des droits d'entrée.

- LE MANQUE D'INFORMATION ET DE CONTROLE
Une grande partie des dérives relevées dans le cadre des délégations de service public pourraient être
évitées si l'information des élus et des usagers était développée et si un véritable contrôle des
délégataires était exercé. Les lois des 2 et 8 février 1995 vont dans cette direction. Elles contribuent
à améliorer la transparence des délégations de service public. Leur entrée en vigueur est cependant
trop récente pour que l'on puisse apprécier toute la portée de leurs dispositions.
Dans la période récente, le mauvais fonctionnement des organes institutionnels (commissions
consultatives) et l'insuffisante information des usagers ont conduit les associations de consommateurs
à saisir les tribunaux comme à SAINT-ETIENNE (Loire), au SIVOM de la région de LA BAULE
(Loire-Atlantique, 70 000 habitants), ou plus récemment au district de GUINGAMP
(Côtes-d'Armor, 8 800 habitants).

Des contrôles souvent négligés
Les collectivités s'en remettent parfois totalement aux délégataires de leurs services publics, en
négligeant le devoir de contrôle qui leur incombe. C'est ainsi qu'à SAINT-DENIS
DE-LA-REUNION aucun schéma directeur n'a été établi et la ville se contente d'un programme pour
1996 à 2001 élaboré par son fermier pour les travaux de renforcement et d'extension. Elle reconnaît,
en outre, n'exercer aucun contrôle sur les volumes de production et de consommation indiqués par le
fermier et donc sur les montants des recettes perçues. De nombreux exemples similaires ont pu être
observés, notamment dans les collectivités de taille modeste où les compétences techniques et
financières font souvent défaut.
La mise en place d'un contrôle du délégataire n'est pas toujours ressentie comme une démarche
normale et utile ; elle est plutôt considérée comme une charge supplémentaire imposée à l'usager.
Il est vrai que, par rapport à une exploitation en régie, la délégation implique un surcoût : le délégant
doit contrôler le délégataire et assurer la rémunération d'agents de contrôle d'une compétence
suffisante ; le délégataire doit engager des frais pour démontrer sa bonne volonté au délégant.
C'est ainsi que la Société stéphanoise des eaux verse à la ville de SAINT-ETIENNE 0,3 % de son
chiffre d'affaires pour financer ce contrôle, ce qui représentait, en 1994, 524 280 F prélevés
annuellement sur les usagers.
Toutefois, les frais qu'engagent les collectivités à ce titre sont largement compensés par les gains
issus du contrôle lorsqu'il existe réellement.

Les charges de personnel
Faute de précision dans les documents produits par les délégataires, les dépenses de personnel sont
rarement contrôlées par les collectivités. Pourtant, la délégation du service rend parfois obscures les
conditions d'emploi des agents et d'imputation de leur coût. Dès lors, elle peut s'accompagner d'une
majoration de ce poste de dépense. En l'absence de contrôle, les délégataires ne répercutent pas
toujours les gains de productivité engendrés par les investissements financés par l'usager. Au
Syndicat des eaux de BEAUFORT (Ille-et-Vilaine, 94 200 habitants), le délégataire a financé la
moitié des installations de télégestion (soit 1 165 000 F) moyennant la prolongation pour six ans du
contrat. Or, le bénéfice qu'il tire des économies de personnel induites par cet équipement est
largement supérieur au coût de son investissement initial. Le syndicat aurait pu utilement rapprocher
ces deux éléments pour contester la prolongation du contrat demandée par le délégataire ou exiger
en contrepartie une diminution du prix de l'eau.
En outre, les personnels communaux détachés bénéficient, dans le cadre des délégations, d'avantages
supérieurs à ceux qu'autorise l'article 64 de la loi du 26 janvier 1984 et l'article 6 du décret du 13
janvier 1986 (règle dite des 15 %).
Pour ces raisons, et malgré les gains de productivité obtenus, l'augmentation des charges de
personnel a pu être observée dans certains cas de délégation des services.
A SAINT-ETIENNE, ce poste de dépenses a crû de 20,7 % entre 1991, dernier exercice complet
d'exploitation en régie, et 1994. Les personnels détachés ont reçu la garantie qu'ils conserveraient
leur rémunération et leurs avantages antérieurs, majorés de 10 % (15 % pour les personnels
intégrés). De plus, aux effectifs permanents du délégataire, doivent être ajoutés les agents extérieurs
à l'entreprise (les cadres détachés des sociétés mères) qui représentent 11 % de ses frais de
personnel.

Les contrôles effectués à la SEMERAP (Puy-de-Dôme) ont montré que le régime indemnitaire très
favorable des agents, qui se conjugue désormais avec une indexation directe du point indiciaire sur le
prix de l'eau, très critiquable, entraîne des hausses de coûts qui pourraient avoir une incidence sur la
situation financière de la société et donc sur les tarifs applicables à l'usager, suivant les modalités du
contrat d'affermage.
L'insuffisance des contrôles exercés par les collectivités délégantes entraîne une perte de maîtrise de
leurs services, laissant une trop grande latitude au délégataire.
Les dispositions nouvelles de la loi du 8 février 1995, autorisant les chambres régionales des comptes
à vérifier auprès des délégataires de service public les comptes produits aux autorités délégantes,
devraient favoriser, à l'avenir, une plus grande transparence de ce mode d'exploitation.
Il faut souhaiter que ces mesures incitent les collectivités à mettre en place les contrôles internes,
indépendants des délégataires, qui leur font encore trop souvent défaut.